Web, réseaux sociaux, connexions, interactions… on ne communique plus de la même façon à une époque où l’information fait le tour du monde en moins de deux heures. À cela s’ajoute la multitude de canaux existants et l’évolution quasi permanente de ceux-ci. Avec des effets de mode pour les uns qui en contraignent d’autres à se réinventer… Le secteur de la santé n’échappe pas à cette vague du tout digital. Blouses blanches, patients, industrie pharmaceutique, tous se retrouvent sur la Toile et les réseaux sociaux. Au programme : échanges, partages, débats, retours d’expériences… Mais où en est-on exactement à l’orée de 2023 ? Quels sont les outils digitaux les plus en vogue ? Quid de la vidéo et du développement du vocal ? Soignants et soignés suivent-ils tendances et cadence ? Autant de questions et problématiques qui ont été abordées lors de la Matinale de la FNIM du 22 février 2023, à la fois dans les locaux du Roof Top Grenelle, à Paris, et en distanciel. Le tout rythmé par deux temps forts. Un premier avec Denise Silber, spécialiste en santé digitale, co-fondatrice de VRforHealth.com, fondatrice de Basil Strategies, auteur du livre Le praticien connecté (éditions Edimark), également vice-présidente de la FNIM, et Rémy Teston, consultant en stratégie digitale et animateur du Club Digital Santé. Ensemble, ils ont présenté Les grandes tendances de la communication santé numérique en 2023. Une étude qu’ils ont menées dans le cadre d’un partenariat Club Digital Santé-FNIM et dont l’intégralité des résultats fera l’objet, très prochainement, d’un article à destination des adhérents de la FNIM. Puis, dans un second temps, Denise Silber a conversé avec Gines Ortega, directeur digital « CX & engagement client » chez Roche France, à propos des nouveaux outils digitaux mis en place dans ce laboratoire pharmaceutique. Outils qui se destinent à apporter des contenus de valeur et augmenter l’engagement des professionnels comme celui des patients.
« Lorsqu’on sollicite l’agent conversationnel ChatGPT sur les tendances dans le domaine de la communication, sa réponse est simple : ces tendances sont toutes digitales. » C’est sur ce constat que Denise Silber, co-fondatrice de VRforHealth.com, fondatrice de Basil Strategies et vice-présidente de la FNIM, a amorcé la dernière Matinale de la FNIM sur le thème de « la communication digitale ». Le déroulé des Grandes tendances de la communication santé numérique en 2023, étude menée dans le cadre d’un partenariat Club Digital Santé-FNIM, n’a fait que confirmer l’information délivrée par ChatGPT. Avec un premier enseignement : « Nous passons, en moyenne, 1 heure et 46 minutes par jour sur les réseaux sociaux », ont souligné Denise Silber et Rémy Teston, consultant en stratégie digitale et animateur du Club Digital Santé. Par ailleurs, TikTok ne se destine plus qu’à un jeune public. On recense 19,3 millions de membres en France, dont 53% sont âgés de plus de 30 ans. Le secteur de la santé n’est pas épargné par cet intérêt croissant pour TikTok. « La place de l’influence est de plus en plus grande. De plus en plus de patients et de professionnels de santé créent leur communauté sur ce réseau », a détaillé Rémy Teston. À ce titre, il cite volontiers en référence le cas de Carla Valette, étudiante en médecine et « tiktokeuse », qui compte plus de 2,5 millions d’abonnés. Et d’ajouter une précision en termes de sémantique : « Les utilisateurs des réseaux sociaux, à commencer par les plus jeunes, ne parlent plus d’influenceurs, mais de créateurs de contenus. » Autrement dit : pour être suivi, il faut donner de l’information, raconter, expliquer, révéler…
« Le podcast instaure un climat de confiance »
Parmi les autres données de l’étude commune au Club Digital Santé et à la FNIM, dont la totalité des résultats fera l’objet d’un prochain article signé Denise Silber et Rémy Teston, citons « l’essor du vocal ». Le podcast rencontre, en effet, un franc succès. Et pour cause : « Il instaure un climat de confiance entre son public et l’entreprise », a expliqué l’initiateur du Club Digital Santé. Autres atouts du podcast : « Il permet d’humaniser et d’incarner la communication. Comme la radio, on peut l’écouter en faisant tout autre chose. Quant au replay, il sort de l’agenda du créateur du podcast pour s’inscrire dans celui de l’utilisateur », a poursuivi Rémy Teston. Même engouement pour la recherche vocale : « Selon Google, une recherche sur deux sera vocale à court terme », a-t-il précisé. L’étude fait également état d’un trafic sur les réseaux qui se fait désormais à 50% via les mobiles. Elle pointe aussi les événements digitaux en plein développement et « de plus en plus interactifs ». Enfin, parmi les nouvelles tendances à surveiller, figurent le métaverse, la souveraineté numérique ainsi que la sobriété numérique. Le tout à l’heure où un million d’interactions mensuelles sont recensées sur ameliBot, le chatbot de l’Assurance maladie.
« Apporter des contenus de valeur »
Face à ces « grandes tendances » de la communication digitale, une question se pose et s’impose : ces courants reflètent-ils la réalité du terrain, au regard des contraintes réglementaires qui pèsent sur les industriels du médicament ? « Oui », répond Gines Ortega, directeur digital, « CX & engagement client » chez Roche France. Interrogé par Denise Silber, durant la seconde partie de la Matinale de la FNIM, il a évoqué la pertinence des nouveaux outils digitaux mis en place dans son laboratoire, « pour apporter des contenus de valeur et augmenter l’engagement des professionnels comme celui des patients. » Dans le secteur du digital depuis une vingtaine d’années, Gines Ortega a d’abord travaillé dans l’univers de l’assurance, puis celui de la finance, avant d’arriver dans la santé en 2018 en intégrant Roche France. L’objectif de la direction digitale qu’il chapeaute : produire, diffuser et partager des contenus à forte valeur ajoutée, en visant aussi bien les soignants que les soignés. Pour ce faire, il dispose d’une équipe tournée vers le digital et l’expérience client. « Nous avons créé toutes les briques d’un dispositif destiné à mieux cerner, mais aussi mieux comprendre les besoins des professionnels de santé et, ainsi, répondre au plus près de leurs attentes en termes de communication, information, interactions », a expliqué Gines Ortega. Pour cela, il a initié le travail de construction d’un écosystème digital ciblé sur les blouses blanches. Avec comme priorité d’affiner les profils de chaque professionnel de santé répertorié dans la base de données du laboratoire. Comment souhaitent-ils être informés ? Sous quelles formes ? Se rendent-ils à des congrès ? Quels sont les meilleurs moments pour leur envoyer un mail ou une newsletter ? Quels types d’informations attendent-ils ?... L’idée : éviter d’envahir la boîte mails du soignant tout en l’incitant à cliquer, réagir, partager… Sachant qu’un professionnel de santé sur deux continue de préférer le face à face pour recevoir une information de la part l’industrie pharmaceutique. « D’où l’importance de s’assurer que l’on utilise le bon canal pour communiquer avec un praticien et qu’on lui donne la bonne information au bon moment », a insisté Gines Ortega. Côté patients aussi, il faut capter les besoins pour pouvoir y répondre au plus juste, au plus près. À l’instar du portail Voix des patients, créé par Roche France pour aider à mieux vivre avec une maladie chronique.
« Expérimenter pour créer de la conviction »
« Une étude interne à Roche France a montré que le professionnel de santé a plusieurs casquettes dans une même journée. Il soigne, forme, informe, manage, remplit des tâches administratives… Il est donc pris par le temps. Il faut être attentif à tout cela pour lui adresser un message juste, pertinent, qui répond à ses attentes », a rappelé Gines Ortega. Le directeur digital de Roche France a donc misé sur des séries de vidéos de 90 secondes chacune, ciblées sur des thématiques précises, choisies avec l’aval de praticiens, et truffées d’interventions de pairs. Le soignant peut la visionner en replay, lorsqu’il a du temps pour cela. Même scénario avec une série de podcasts, liés à la pratique quotidienne des blouses blanches. « Un replay à programmer aux bons moments et sur une durée suffisamment longue », ajoute Gines Ortega. À la question « comment le professionnel de santé est-il alerté de ces mises en ligne ? », réponse du directeur digital de Roche France : « Il est prévenu par mail, newsletter, liens sponsorisés ou autres posts sur LinkedIn. » Quant aux contenus produits, ils sont réalisés aussi bien par des freelances que par des agences de communication, tous sensibilisés à la culture d’entreprise et aux valeurs du laboratoire. C’est dans cet esprit que Gines Ortega a instauré, depuis un an et demi, un programme d’information multi-canaux, assorti d’une expérience client à la fois simple, fluide, instinctive. Il part du principe qu’il faut « expérimenter pour créer de la conviction ». Autrement dit : il teste des concepts, qu’il adopte et développe ensuite, si ces-derniers se révèlent innovants, pertinents, performants. Sa seule frustration dans l’industrie pharmaceutique : « La réglementation très contraignante, très stricte, qui donne parfois envie que cela avance plus vite. » Puis, Gines Ortega nuance son propos : « Ce mode opératoire implique un esprit d’équipe. Il oblige à créer de la valeur, ensemble. Or, ensemble, on est plus fort, et l’industrie pharmaceutique apprend à travailler dans le temps long. » La durée : une des clés aussi pour pérenniser des solutions digitales.