Mauvais briefs, dégradation des échanges, délais de plus en plus serrés, mais aussi absence de réponse après l’envoi d’une « reco » … La liste est longue dès que l’on évoque les doléances des agences de communication santé et autres partenaires de l’industrie pharmaceutique. Parce qu’il faut aller de plus en plus vite tout en restant agile, habile, subtil, inventif, créatif et bien souvent accepter des budgets à la baisse. Depuis la fin 2024, la FNIM interroge ses adhérents sur les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien et s’interroge sur la façon de bâtir un recueil de bonnes pratiques pour fluidifier, faciliter, agrémenter les relations avec les laboratoires pharmaceutiques. Comment s’y prendre ? Quel contenu intégrer sans décevoir les uns, ni braquer les autres ? Quelles recettes pour continuer de donner envie aux jeunes de s’investir dans la « com’ santé » ?... Autant de questions qui ont été posées à Olivier Martin-Dupray, cofondateur d’Addiction Agency et membre du club Santé de l’association des agences conseil et création (AACC), lors de la Matinale de la FNIM du 23 avril 2025, organisée dans les locaux parisiens d’1Health – Europe Group, ainsi qu’en distanciel. Le débat, animé par Pierre-Louis Prost, directeur associé de l’agence KPL et président de la FNIM, a permis de passer en revue les grandes lignes d’un projet de charte de bonnes pratiques, au regard de celle déjà rédigée par le Club Santé AACC. L’idée étant, à terme, d’éditer un texte en commun, à soumettre ensuite aux Entreprises du médicament (Leem).
Tout est parti d’une enquête menée en 2024 par la FNIM sur les attentes de ses adhérents dans les relations qu’ils entretiennent avec l’industrie pharmaceutique. Quelque 67 personnes ont répondu et dans leur cahier de doléances figurent, entre autres, la dégradation du process d’une commande de campagne de communication. Cela se traduit par des briefs incompréhensibles, des délais ultra courts, le « silence radio » après l’envoi d’une « reco », l’abandon d’un projet en cours, des réunions en visio où certains n’allument pas leur caméra… le tout pour des budgets trop souvent réduits comme peau de chagrin*. Un constat qui ne pouvait rester sans réaction. Dans un premier temps, la FNIM a partagé les résultats de son étude avec ses adhérents en novembre 2024 et pointer 6 priorités, dont « la création d’un label FNIM & Club Santé AACC & Leem, garant d’une charte de bonnes conduites & de bonnes pratiques, à faire signer par les clients de l’industrie pharmaceutique ». Puis, lors de la Matinale du 23 avril 2025, un débat a été ouvert en vue de rédiger cette charte, commune avec le Club Santé AACC, qui, de son côté, en a batit une, intitulée « La belle compétition ». L’objectif étant, à terme, de « travailler au mieux avec tous les acteurs de l’industrie du médicament », souligne Olivier Martin-Dupray, cofondateur d’Addiction Agency et membre du Club Santé AACC. Il détaille : « Avec La belle compétition – que tous les adhérents du Club Santé AACC sont invités à signer… -, nous souhaitons faire de la pédagogie sur les relations entre annonceurs et agences, les contraintes et les attentes de chacun, notamment pour les nouvelles générations. Cette initiative vise à construire un environnement de travail favorable à la créativité et à l’innovation. »
Transparence, responsabilité et sincérité
Les contours de « La belle compétition » ont d’ores et déjà de quoi séduire la FNIM. À commencer par ses 3 engagements, qui font écho aux valeurs des « fnimiens ». À savoir : la transparence, la responsabilité et la sincérité. Concernant le premier, « les signataires s’engagent à créer les conditions de transparence nécessaires au bon déroulement de l’appel d’offres à chacune de ses étapes et à permettre une parfaite accessibilité à l’information, utile à l’équité entre compétiteurs », explique Olivier Martin-Dupray. Quant à la responsabilité, « les signataires s’engagent dans l’appel d’offres en prenant en compte les implications en termes de mobilisation des équipes et de coûts générés par ce processus de part et d’autre ». Troisième et dernier pilier de « La belle compétition » : « Les signataires s’engagent dans l’appel d’offres de manière loyale, sincère et réelle. » Le tout décliné en 2 volets : une application dédiée aux agences et une autre destinée aux industriels. Mais cela peut-il suffire à convaincre un laboratoire pharmaceutique ? A priori, non. « Et ce d’autant qu’aucun pouvoir collectif ne peut obliger à appliquer cette charte », reconnaît le cofondateur d’Addiction Agency. Autre écueil : certaines agences accepteront toujours un projet, même s’il est mal ficelé, voire mal rémunéré. Quant à dénoncer quelques mauvaises manières dans une tribune libre, publiée dans un média, cela risque fort, malheureusement, de ne faire trembler personne…
« Rester positif et ne raconter que les belles histoires… »
Alors comment bien se servir de cette charte, pleine de bonnes intentions, au quotidien ? « En pointant du doigt ce qui marche bien », répond Olivier Martin-Dupray. Autrement dit : « Rester positif et ne raconter que les belles histoires, les bons retours d’expériences, avec le prisme d’un élément particulier de la charte. » Une sorte de preuve par l’exemple, qui peut prendre différents formats : témoignages, articles, podcasts… Convaincu par cette méthode, le communicant au sein d’Addiction Agency évoque 2 vertus à ce parti pris : « D’un côté, les laboratoires pharmaceutiques n’auront aucune réticence à être associés à une campagne qui s’est bien déroulée. Car cela va même incarner une relation de confiance, voire une proximité de points de vue, ce qui est à la fois valorisant et attractif pour les juniors, qui seront nos interlocuteurs de demain ». Et d’un autre côté ? « Cela amorce ou confirme de bonnes relations entre des communicants et l’industrie. Et ce d’autant que l’on peut appuyer son argumentation sur un projet de campagne qui s’est concrétisé. » Cet esprit « positif » doit incarner la confiance, la performance, bref « faire exemple ». « C’est gagnant-gagnant », observe encore Olivier Martin-Dupray : « L’agence relate un bon retour d’expérience ; l’industriel donne envie à d’autres partenaires de travailler avec lui ; c’est dynamisant pour les juniors, qui, par la suite - s’ils changent de labo… -, pourront emmener ces bonnes pratiques avec eux. » Signalons, à ce stade, que le site Web de La belle compétition propose des supports d’aide, à vocation pédagogique, « qui peuvent être partagés avec les clients engagés dans des partenariats qui se passent bien », complète Olivier Martin-Dupray. Histoire de rester dans une dynamique « positive » jusqu’au bout du raisonnement.
« Faire comprendre nos métiers »
Dans la future charte commune au Club Santé AACC et la FNIM, la reconnaissance de la valeur qu’apporte une agence de conseil ou de communication dans un projet est primordiale. Surtout au regard des résultats de l’enquête de la FNIM menée auprès de ses adhérents. Un seul chiffre qui en dit déjà long : quelque 30% des personnes interrogées pensent que le travail supplémentaire sur un projet n’est jamais ou rarement « rémunéré à sa juste valeur ». Dans sa charte « La belle compétition », le Club Santé AACC suggère d’organiser un séminaire en vue de « définir la valeur apportée par les agences » et, ainsi, « faire comprendre nos métiers, l’importance de nos expertises, la pertinence d’une stratégie », explique Olivier Martin-Dupray. Il ajoute : « Les laboratoires doivent se rendre compte que la valeur ajoutée est bien supérieure lorsque les relations sont bonnes avec les partenaires. » Avis partagé par Eric Phélippeau, vice-président du Festival de la Communication Santé et président d’honneur de la FNIM : « Expliquer nos métiers, c’est un chantier primordial à l’heure de l’IA. À nous de valoriser l’expérience humaine et d’expliquer ce que l’on fait avec un budget, afin de maintenir la créativité des agences face à l’IA. » Et Olivier Martin-Dupray de renchérir : « À nous de valoriser notre savoir et notre savoir-faire, y compris dans le domaine de l’IA. » Il rappelle, en outre, l’utilité de mettre en avant les études d’impact des campagnes et projets réalisés, « pour en faire un argument supplémentaire quant à la réussite de la créativité ».
Opération séduction à destination des services d’achats
Enfin, la Matinale de la FNIM s’est terminée sur la question suivante : « Peut-on s’appuyer sur les services achats des laboratoires pour développer le business ? » Selon l’enquête menée par la FNIM, seuls 3% des personnes interrogées estiment que ces services simplifient les négociations. Comment améliorer ce résultat ? Réponse du Club Santé AACC : « En organisant des procurement days, afin d’expliquer les devis, les marges… » Quant à la FNIM, son président suggère de programmer « une Matinale avec différents profils de responsables de services achats, pour que chacun comprenne mieux les attentes et les besoins de l’autre ». Deux propositions qui se rejoignent, à l’instar des positions du Club Santé AACC et de la FNIM quant au contenu d’une charte de bonnes pratiques. « Nous partageons les mêmes idées et nous avons envie de créer un label commun à soumettre, ensuite, au Leem, par exemple dans le cadre d’une Matinale de la FNIM dès la rentrée prochaine », a suggéré Pierre-Louis Prost. Il s’agit, à terme, d’obtenir le soutien du Leem pour relayer, diffuser, partager cette charte, « tel un guide de bonnes pratiques pour encourager de bonnes relations entre partenaires et industriels de la santé ».
* selon l’étude menée par la FNIM en 2024 auprès de ses adhérents, 19,4% pensent qu’ils sont rémunérés de plus en plus difficilement, les budgets sont insuffisants pour 19,4% des personnes interrogées et 30% ont le sentiment que les budgets sont fortement négociés à la baisse.