Au fil des réformes, lois et décrets, l’organisation du système de santé français évolue. L’apparition et le développement de l’exercice coordonné des soins modifie les rôles et missions des professionnels de santé. Mais face au maquis d’acronymes, sigles et multitude de nouvelles structures créées, chacun peut s’y perdre. À commencer par l’industrie pharmaceutique qui doit s’adapter aux nouveaux quotidiens des médecins, pharmaciens, personnel infirmier… qui jonglent désormais entre accueil des patients, coordination des soins et autres tâches administratives. Le rôle des communicants du secteur de la santé est donc primordial pour informer, expliquer, rassurer et donner des clés pour s’y retrouver. Ce travail de pédagogie a fait l’objet de la Matinale de la FNIM du 14 mai 2025, organisée dans les locaux parisiens des agences Canal55 - Mindy - Elwood - Jake et également relayée en distanciel. Le débat, animé par Elena Zinovieva directrice générale de Global Media Santé et secrétaire générale de la FNIM, a réuni Lucile Perreau, journaliste chez Global Media Santé, et Magali Frantz, fondatrice de ZiOffice, un cabinet de conseil en marketing stratégique et opérationnel spécialisé dans le secteur de la pharmacie d’officine.
La coordination des soins n’est pas un sujet nouveau en France. Depuis les années 1990, les médecins de ville réfléchissent à d’autres façons d’exercer, notamment en fédérant différentes compétences dans un même quartier, un même village, voire dans un même lieu. Ainsi, dès 1991, alors que Bruno Durieux est ministre de la Santé, les Centres de santé (CDS) font l’objet d’un décret. Une première étape qui dessine les contours de structures sanitaires capables de dispenser des soins de premier et second recours, ainsi que des actions de prévention. En 2015, la Fédération nationale des centres de santé (FNCS) signe le deuxième accord national, encore actif aujourd’hui. Toutefois, dénoncé depuis, il a ouvert la voie, le 15 mai 2025, à de nouvelles négociations avec l’Assurance maladie. En 2023, on recensait quelque 1 229 CDS médicaux et polyvalents, avec un niveau moyen de file active proche des 1481 patients. Un modèle où le salariat prend le pas et se veut donc plutôt attractif auprès des jeunes généralistes, qui amorcent leur carrière.
40 000 professionnels de santé engagés dans 2 758 maisons de santé pluri-professionnelles
En 2007, la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) va bien au-delà des seuls CDS. Elle créée une véritable dynamique et donne le ton : le système de santé voit l’exercice individuel de la médecine glisser vers une pratique plus collective, avec la création des premières maisons de santé pluri-professionnelles (MSP). La coordination des soins prend vraiment forme. Elle va même se doter d’une Fédération française des maisons de soins et de santé, aujourd’hui baptisée AVECsanté et pourvue de 15 fédérations régionales. « En 2023, les MSP comptaient plus de 10 millions de patients ‘ médecin traitant ‘, avec une file active moyenne de 6 417 patients », souligne Lucile Perreau. Quant à la fédération nationale, elle recense quelque 2 758 MSP mono ou multi-sites, en France. Quelque 40 000 professionnels y sont engagés, dont 29% d’infirmières, 23% de médecins généralistes, 12% de kinés et 7% de pharmaciens. Sachant qu’une MSP peut aussi salarier des professionnels assistants médicaux, ainsi que des infirmières en pratique avancée (IPA). Ces IPA – elles étaient 3 080 en France, fin 2024 - ont un minimum de 3 années d’exercice et leur mission consiste à aider les médecins dans la prise en charge de patients atteints de pathologies ciblées (diabète, maladies neurodégénératives…), mais aussi la psychiatrie, la santé mentale, les urgences, l’oncologie… Ultime nouveauté, évoquée par Lucile Perreau : « Depuis janvier 2025, les IPA peuvent recevoir directement des patients et prescrire sans intervention préalable d’un médecin. »
835 communautés professionnels territoriales en santé recensées en 2024
Si l’on poursuit la chronologie des innovations dans le système de soins français, il faut citer la création des protocoles de coopération dès 2009 par la loi Hôpital, suivie en 2016 par la naissance des communautés professionnels territoriales en santé (CPTS), avec la loi de modernisation du système de santé, dite aussi « loi Touraine ». Quel est le rôle des 835 CPTS recensées en juin 2024 ? Elles assurent une mission d’organisation des soins et de coordination au niveau d’un territoire. Avec pour chaque taille de territoire, une enveloppe de rémunération adaptée. Puis, en 2018, place au dispositif « article 51 » de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS), mis en place par Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé. De quoi s’agit-il ? Cet article 51 prévoit une dérogation financière pour expérimenter de nouvelles organisations en santé, notamment dans la prise en charge du diabète, la rééducation cardiaque, la télémédecine, la télé-expertise ou autre rémunération forfaitaire… Une évaluation extérieure vérifie ensuite l’efficience et la reproductibilité de l’initiative, puis le comité technique de l’innovation en Santé (CTIS) et le comité stratégique de l’innovation en Santé (CSIS) donnent leur feu vert ou pas. Selon la journaliste Lucile Perreau, « fin 2024, 1 258 projets ont ainsi été déposés, 155 ont été autorisés et 31 sont généralisés ou en cours de généralisation ». Ce qui permet à des start-ups d’accéder à un modèle économique viable. Par ailleurs, l’expérimentation « article 51 », baptisée Osys (Orientation dans le Système de Soins) et portée par l’association Pharma Système Qualité (PHSQ), a mis au point un parcours de prise en charge en vue d’améliorer l’accessibilité aux soins de premiers recours, ou autres soins non programmés, à des populations installées dans des territoires à risque de désertification médicale. Enfin, citons aussi la création des dispositifs d’appui à la coordination (DAC), en 2019, grâce à la loi sur l'Organisation et la transformation du système de santé (OTSS). Ces DAC – 132 recensés en 2022 par les ARS - ont pour mission d’accompagner et de coordonner l'ensemble des situations complexes des patients et des professionnels de santé.
Les nouvelles missions du pharmacien
À ces outils de réorganisation du système de santé s’ajoute l’émergence de nouveaux dispositifs, telles que les équipes de soins primaires (ESP) ou les équipes de soins spécialisés (ESS), mais aussi de nouveaux métiers. À l’instar de celui d’assistant médical, d’infirmière de coordination et de parcours, de médiateur en santé ou encore de pharmacien référent. Le pharmacien, justement, fait partie des professionnels de santé dont les missions ont le plus évolué, en particulier depuis la crise sanitaire de 2020. Magali Frantz, fondatrice du cabinet de conseil ZiOffice, spécialisé dans le secteur de la pharmacie d’officine, parle d’un contexte officinal « en pleine (r)évolution ». Certes, le pharmacien continue de contribuer aux soins de premiers recours, tels que définis dans le code de la santé publique (L. 1411-11). À savoir : la prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients, mais aussi la dispensation et l’administration des médicaments, des produits et dispositifs médicaux, ainsi que le conseil pharmaceutique, sans oublier l’orientation dans le système de soins et le secteur médico-social, ainsi qu’une mission en termes d’éducation à la santé. « Mais depuis ces dix dernières années, nous assistons à une pharmacie de distribution qui se transforme de plus en plus en une pharmacie de services », constate Magali Frantz. Elle fait référence à la part forfaitaire dans la rémunération (entretiens pharmaceutiques, honoraires de dispensation…), au décret « services » de 2018 pour lutter contre les déserts médicaux (où le pharmacien vaccine contre la grippe, dispose d’une cabine de téléconsultation…) et, bien sûr, au Covid-19, période durant laquelle le pharmacien a été en 1ère ligne. Depuis la Convention pharmaceutique signée en 2022, il peut notamment prescrire et administrer des vaccins, réaliser des bilans de prévention ainsi que des entretiens pour accompagner les femmes enceintes sur les risques liés à la prise de médicaments pendant la grossesse. Depuis février 2025, les possibilités de substitution de biomédicaments prescrits par des biosimilaires ont été également été élargies. « Autant de missions rémunérées, qui ne cessent de s’étendre », reprend Magali Frantz. Ainsi, dans le cadre d’un exercice coordonné, le pharmacien se fait désormais « correspondant » des CPTS, ESP et MSP.
« Professionnel de santé, chef d’entreprise et manager… »
« Et demain ? », s’interroge encore la spécialiste du secteur de la pharmacie d’officine. Sa réponse : « Le pharmacien va probablement assurer bientôt la vaccination du voyageur. La délivrance de traitements pour les rhinites allergiques saisonnières, les sinusites aigües ou dans une infection suite à une piqure d’insectes, a également été annoncée par le Premier ministre, lors de sa récente présentation du Pacte de lutte contre les déserts médicaux. » Conséquence : les ventes hors taxe ne représentent plus que 51,5% de la marge brute d’une officine en 2024, dont 20% de marge réglementée, contre 81% en 2014, selon le cabinet KPMG. « Un écosystème néanmoins « économiquement fragile », reconnaît Magali Frantz. Dans un tel contexte, comment s’adresser efficacement au pharmacien quand on est une agence de communication santé et, par voie de conséquence, un laboratoire pharmaceutique ? « Le pharmacien se moque d’être informé en détails sur l’anatomie ou une pathologie. Il veut du concret par rapport à ses missions : mieux vaut donc lui parler de mode d’administration, de contre-indications et d’effets indésirables », recommande Magali Frantz. Et ce d’autant que 60% des patients chroniques ne suivent pas correctement leur traitement (source : IMS Health). Le rôle du pharmacien tend également, de plus en plus, à « aller vers le patient », poursuit-elle : « Il faut donc l’aider à instaurer ce dialogue, à se former, s’informer, s’initier à l’IA pour gagner du temps sur certaines tâches administratives… Il faut lui faire comprendre quelle rentabilité il peut retirer de sa nouvelle relation avec le patient. Il faut l’aider à devenir un conseiller actif et lui donner les clés sur la façon d’optimiser ce qu’il a déjà mis en place. » Autant de pistes pour faciliter et fluidifier le quotidien d’un pharmacien à la fois « professionnel de santé, chef d’entreprise et manager ».