En 2025, le marché français du médicament se stabilise en ville et augmente un peu à l’hôpital, comme c’est le cas depuis ces dernières années. Au total, il devrait croître en moyenne de 5,4% entre 2024 et 2029. Toutefois, le contexte économique et politique actuel affaiblit quelque peu les résultats de l’Hexagone au niveau européen. Si bien que d’ici à 2029, la France devrait céder sa 2ème place au Royaume-Uni, avec l’Allemagne toujours sur la plus haute marche du podium… Ces données sont issues de l’édition 2025 du « Panorama IQVIA du marché français de la santé, bilan et prospectives ». Celle-ci a été présentée lors de la Matinale de la FNIM du 25 juin 2025, organisée dans les locaux parisiens d’1Health – Europe Group, ainsi qu’en distanciel. Le tout avec les éclairages et les expertises de Yann Rateau de Meursac, directeur Consulting Services & Analytics chez IQVIA, et Delphine Houzelot, senior directrice Prix et Accès au Marché, Real World Solutions, également chez IQVIA. Quant à Christopher Wooden, senior directeur de ChannelDynamics, au sein de la société IQVIA, il a complété les échanges et les débats en délivrant quelques données sur les canaux de communication santé les plus efficaces auprès des blouses blanches. Animée par Eric Phélippeau, à la tête du Festival de la Communication Santé et président d’honneur de la FNIM, cette Matinale a permis de mettre en avant 6 enseignements clés sur le marché français du médicament.
1. Marché français du médicament : en hausse de 5,4% d’ici à 2029
D’ici à 2029, le Panorama IQVIA fait état d’une croissance stable, sur les volumes, pour le marché du médicament en ville. Un phénomène qui s’explique, d’un côté, par des impacts positifs sur les volumes – contrôle des maladies chroniques, investissements pour faciliter l’accès aux soins, la prévention et le dépistage -, et de l’autre, par des impacts plus négatifs, à l’instar des pénuries de médicaments ou encore des mesures d’économies. Le 25 juin 2025, Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, a en effet annoncé 1,7 milliard d’euros d’économies en 2025 quant aux dépenses de santé. Parmi les mesures présentées, la ministre a notamment évoqué des économies sur le médicament « à hauteur de 500 millions d’euros ». En valeur, en revanche, le bilan IQVIA pointe « une diminution de la croissance des prix dans les prochaines années pour les produits de ville ». Et pour cause : « D’ici à 2027, les baisses de tarif et les pertes de brevets vont exercer une pression à la baisse sur les prix », explique Yann Rateau de Meursac, directeur Consulting Services & Analytics chez IQVIA. À cela s’ajoute « la prescription et la substitution des biosimilaires ». Quant au marché hospitalier, le Panorama IQVIA évoque « une croissance annuelle de moins de 1% à venir sur les volumes ». Parmi les impacts positifs, citons l’amélioration du dépistage du cancer et le 4e plan national ciblé sur les maladies rares (cf paragraphe 4). Les impacts négatifs, quant à eux, relèvent de la difficulté d’accès aux établissements de soins, d’un système hospitalier engorgé et de la nécessité de contrôler les dépenses hospitalières. En revanche, la croissance en valeur est maintenue au-dessus de 5% grâce à l’innovation. En effet, Yann Rateau de Meursac parle de « nombreux lancements de spécialités à venir » et d’une « amélioration de l’accès au marché pour les produits innovants ». Toutefois, il nuance son propos en soulignant « une utilisation encouragée des génériques et des biosimilaires », ainsi que « des pertes d’exclusivité et autres baisses de prix à venir pour certains produits ». Reste que le marché hospitalier du médicament va maintenir une croissance de son chiffre d’affaires de 6 à 7% d’ici à 2029. Conséquence : au total – ville et hôpital réunis -, le marché du médicament en France devrait croître de 5,4% entre 2024 et 2029. Avec des ventes toujours portées par les antinéoplasiques et les immunomodulants. Cette dernière classe thérapeutique a connu la croissance la plus importante de ces cinq dernières années et la tendance va se poursuivre avec une augmentation de 40% d’ici à 2029. Enfin, Yann Rateau de Meursac souligne que, d’ici à 2027, « la France devrait céder sa 2ème place au Royaume-Uni parmi les grands marchés européens du médicament, l’Allemagne restant le solide leader. Ce sont l’Italie et l’Espagne qui vont le mieux résister dans les années à venir. »
2. Innovation : un long délai d’accès au marché
Le bilan est encourageant. Sur la période 2020-2024, les demandes d’avis auprès de la commission de la transparence (CT) ont augmenté, grâce à la montée en puissance de l’accès précoce. « En 2024, un quart des 129 avis rendus par la CT concernaient des médicaments en oncologie, suivis par les maladies infectieuses et les maladies rares », détaille Delphine Houzelot, senior directrice Prix et Accès au Marché, Real World Solutions, chez IQVIA. Autre constat : « En 2024, 71% des avis rendus par la CT ont obtenu un service médical rendu (SMR) important, 22% un SMR modéré à faible et 6% un SMR insuffisant. » Des résultats jugés « stables » comparé aux années précédentes. Par ailleurs, « seulement 15% des médicaments ont été reconnus comme innovant (amélioration du service médical rendu – ASMR - I à III) en 2024 », poursuit Delphine Houzelot. Un résultat un brin décevant, mais, une fois encore, « stable » comparé à 2023. L’experte évoque aussi « une baisse de 64% du nombre des ASMR I à III par rapport à 2021 et 2022. Quant au délai d’accès au marché en 2024, il est désormais de l’ordre de 475 jours en moyenne – allongé notamment par les négociations de prix -, « ce qui en fait l’un des plus longs du monde », commente Delphine Houzelot. Enfin, les accès précoces (AP) sont en recul : « En 2024, plus de la moitié des AP en pré-autorisation de mise sur le marché (AMM) et plus de 40% des AP en post-AMM ont été refusés. »
3. Recherche clinique : une bonne dynamique
« La recherche clinique se révèle très dynamique dans le monde et particulièrement en Europe, notamment sur les thérapies géniques et cellulaires », constate Delphine Houzelot. Le Panorama IQVIA fait état de « 660 nouvelles molécules potentielles d’ici à 2027, avec près de 1 800 programmes de recherche clinique en cours dans le monde ». Parmi les principales aires thérapeutiques concernées, citons l’oncologie (25%), la neurologie et la psychiatrie (16%), ainsi que les maladies infectieuses (10%). À cela s’ajoute plus de 350 thérapies géniques en développement, soit 16% des médicaments biologiques. Par ailleurs, hors oncologie (qui représente 86% des thérapies ex vivo en développement et 36 % des thérapies in vivo), les principales pathologies ciblées sont la rétinite pigmentaire, la DMLA, la myopathie de Duchêne ou encore l’hémophilie A. Enfin, à la question, « quelles innovations marqueront l’année 2025 ? », Delphine Houzelot répond : « Les nouveaux traitements de la douleur aux États-Unis. »
4. Maladies rares : un 4e plan gouvernemental, mais des patients difficiles à trouver…
La prise en charge des maladies rares reste une priorité de santé publique en France. La preuve avec le 4e plan d’action qui vient d’être annoncé par le gouvernement. Et pour cause : « En 2024, seules 5% des maladies rares bénéficiaient d’un traitement dans leur indication », rappelle-ton au ministère de la Santé. Le plan national vise donc à soutenir le parcours de soins et de vie des patients atteints de maladies rares et des aidants, améliorer le diagnostic, encourager l’innovation industrielle et les partenariats stratégiques, mais aussi apporter une approche territoriale et européenne renforcée. Malgré cela, « si de nombreux traitements sont mis à disposition en France, les patients restent difficiles à trouver », observe Yann Rateau de Meursac. Il poursuit : « À l’issue d’une analyse des données de vente sur le marché français d’une dizaine de traitements à destination de maladies rares, on constate que la trajectoire est identique : un recrutement rapide, puis une stabilisation après quelques mois sur le marché. »
5. Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2025 : un cadre de plus en plus contraignant
Récemment promulguée au Journal Officiel, la LFSS 2025 contient plusieurs articles ciblés sur les médicaments. Tarification, remboursement, lutte contre les pénuries, biosimilaires… rien n’a été oublié. À titre d’exemple, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) peut désormais autoriser temporairement les titulaires d’AMM à constituer un stock de sécurité à un niveau inférieur à celui imposé (article 75). Par ailleurs, une nouvelle sanction financière vise les laboratoires qui ne renseignent pas le système d’information sur la disponibilité des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) (article 76). Quant à l’Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), il a été fixé à 265,9 milliards d’euros en 2025, soit une augmentation de 3,4% par rapport à 2024… Mais le contexte économique et politique, au niveau national et international, ne présage « rien de réjouissant », estime Delphine Houzelot. Le plan de rigueur annoncé par Catherine Vautrin illustre, en partie, ce point de vue : la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, souhaite diminuer les dépenses de santé à hauteur de 1,7 milliard d’euros en 2025 (voir aussi paragraphe 1)
6. Usages de l’IA en santé : des découvertes, mais encore peu d’impact sur le parcours de soins…
C’est un fait : l’intelligence artificielle (IA) accélère la découverte de nouveaux médicaments. Revers de la médaille : ces avancées ont encore peu d’impacts sur la prise en charge des patients. C’est ce que constate le Panorama IQVIA. « D’un côté, en 2025, on table sur 67 molécules identifiées par l’IA en essai clinique. Des accords sont également attendus entre l’industrie pharmaceutique et des start-ups d’IA. Quant à l’EU AI Act – loi européenne sur l’IA -, elle sera appliquée aux IA à haut risque dès 2027 », détaille Yann Rateau de Meursac. Malgré cela, le patient ne se rend pas encore compte des conséquences de l’arrivée de l’IA en santé, en termes de prise en charge améliorée ou facilitée. Ce qui ne doit pas empêcher les laboratoires de se préparer à la fois à des demandes réglementaires de plus en plus strictes et à un effort de pédagogie pour expliquer ce que l’IA peut changer dans l’accès aux soins de tous.
Et aussi
Canaux de communication santé : la donne a changé…
En marge du Panorama IQVIA, Christopher Wooden, senior directeur de ChannelDynamics, a évoqué les résultats d’une étude de grande envergure, menée sur les comportements des professionnels de santé lorsqu’ils reçoivent de l’information en provenance de l’industrie pharmaceutique. « Ces données sont issues de 36 pays et de l’analyse de 50 millions de messages, à partir d’un historique sur 12 ans, mis à jour chaque mois », précise l’expert. On apprend ainsi qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni les médecins sont plus exposés à la communication digitale que les Français ou les Italiens qui reçoivent en proportion plus de contacts en face à face ou de réunions physiques, privilégiant ainsi le contact direct et l’échange verbal… Malgré cela, il apparaît que même si le canal est encore peu utilisé dans tous les pays étudiés, la visite médicale (VM) à distance donne les meilleurs résultats en termes d’intérêt et d’interaction, notamment en France. Explication du phénomène : si elle a été bien pensée, elle est à la fois personnalisée, scientifique, interactive et donc efficace. « Depuis la sortie de la crise sanitaire, le digital a pris une part de plus en plus importante dans l’engagement client », explique Christopher Wooden. La VM à distance est l’un des canaux qui impacte le plus les médecins dans leur comportement de prescription. « Rien d’étonnant à cela : bien conçue, celle-ci suscite une forte interaction avec le client », reprend l’expert qui compare l’émergence de la VM à distance à « l’arrivée du smartphone ». « C’est un changement progressif, dit-il. Les agences de communication santé doivent se préparer, anticiper, prouver leur créativité avec de nouveaux canaux de diffusion de l’information ». Autrement dit : les communicants « à haute valeur ajoutée » ont du pain sur la planche. Christopher Wooden en est convaincu : « L’IA ne peut pas tout remplacer. » Un bémol toutefois du côté de Delphine Houzelot. Interrogée sur ces innovations qui changent tout, elle a émis cette hypothèse : « L’évolution la plus importante ne sera-t-elle pas lorsque l’IA remplacera le médecin ? ». Une question en guise de réponse et un nouveau débat qui s’ouvre…