Enquête IMS 2013
Tour d’horizon du marché mondial du médicament
Comme chaque année et en exclusivité pour la FNIM, le Pr Claude Le Pen a présenté les derniers résultats de l’étude IMS sur les perspectives mondiales du marché du médicament. Il a en particulier mis l’accent sur la situation française et sur le développement du marché des médicaments biosimilaires.
Un marché mondial en légère croissance grâce aux émergents
« Globalement, le marché croît de 4%, tiré par les pays émergents, les pharmerging, dont la Chine et les BRIC (+ 9%). Les pays développés sont soit en récession (France et Espagne) soit en stagnation : à l’intérieur des pays matures, on observe une situation contrastée avec d’un côté le Japon et l’Allemagne où le marché reste positif et les autres (Italie, Canada, Royaume-Uni) où il est morose. A signaler que les Etats-Unis, qui nous avaient habitués à une très forte croissance, s’alignent désormais sur les scores moyens des pays matures, d’où un changement de morphologie du marché : en 2008, les USA représentaient 50% du marché mondial. Le phénomène marquant de ces dernières années est la montée en puissance de la Chine qui se situe au 3ème ou 4ème rang mondial, devant la France, et la Chine est le plus grand contributeur à la croissance des émergents. On note ainsi une géopolitique du médicament en plein changement : apparaissent de nouveaux acteurs tels que l’Algérie, l’Argentine, la Colombie, l’Arabie Saoudite, le Nigeria (100 millions d’habitants), et se généralisent partout des systèmes de protection sociale, parfois très hétérogènes comme en Chine. Ces marchés sont en évolution : les traditionnels médicaments antiviraux et antiparasitaires sont en passe d’être rejoints par les traitements contre les maladies cardio-vasculaires ou le diabète. Par ailleurs, il faut souligner deux faits : la résistance des blockbusters (parmi les lancements récents en médecine de spécialité, une dizaine de produits au CA supérieur à 1 Md$) et la croissance continue du marché mondial des OTC qui est supérieure à celle du marché pharmaceutique traditionnelle (en 2013, +7,2% pour OTC et +4,6% pour pharma). Enfin, dans un contexte de croissance ralentie, les pays matures présentent des physionomies très variées : ainsi l’Allemagne, qui jouit d’un excédent de ses comptes sociaux, croît d’environ 5%, tandis que la France qui était positive en 2008, a stagné de 2009 à 2011 et a reculé en 2012 et 2013 (- 2,3% pour les médicaments remboursables).
Le marché français frappé par les baisses de prix
« La tendance générale est à la récession sur le marché de ville, y compris pour les médicaments non remboursables (CA total : 25 Mds€). En ce qui concerne les génériques, la pénétration se stabilise et se situe au niveau des meilleurs pays. D’ici deux à trois ans, on attend deux importantes tombées de brevet : Serotec et Crestor seront génériqués et vont de ce fait booster le marché des génériques. Autre nouveauté, la croissance nulle du marché de l’hôpital depuis 2011 (CA total : 6 Mds€) : ce phénomène est lié aux appels d’offre, aux centrales d’achat, aux génériques, à « la liste en sus » (financement spécifique pour les produits particulièrement onéreux). Les prescriptions initiées par les MG baissent en valeur de 7% à cause du recul du nombre de produits sur ordonnance (tendance observée depuis 2005) et de la montée en puissance des génériques. En revanche, le marché des médicaments biologiques est en développement continu aussi bien en ville qu’à l’hôpital (CA en 2013 : 7 Mds€).
Les perspectives à court et moyen terme :
- déficit prévisionnel en hausse de la branche maladie à 11 Mds€ (avant plan gouvernemental)
- endettement net de la CADES (caisse d’amortissement de la dette sociale) à plus de 130 Mds€
- objectifs de croissance des dépenses publiques de santé (ONDAM) abaissés et respectés grâce à des plans de maîtrise sévères qui pénalisent fortement le médicament (8,5 Mds€ d’économies entre 2005 et 2012). Tous les ans, le médicament donne à la collectivité 1 Md€, essentiellement par le biais d’une baisse des prix : c’est une contribution considérable.
- ONDAM 2014 : 2,4 Mds€ d’économies dont environ la moitié provenant de la baisse des prix des médicaments et du nombre de produits prescrits.
A moyen terme (2017), sur les 50 Mds€ d’économies générales programmées par les pouvoirs publics, 12 devront être réalisés dans le secteur de la santé.
Le marché de l’officine : à la recherche d’un nouveau modèle économique
« Le CA en France s’élève à 35 Mds€. Le métier de pharmacien est en évolution : le cœur de métier recule, et donc CA et marge reculent aussi, alors que la distribution hors médicament augmente. Ainsi, l’évolution de la marge officinale Médicaments Remboursés est passée de 5,5 Mds€ en 2010 à 5,3 Mds€ en 2013. Baisse des marges, baisse du CA conduisent, pour survivre (65% des marges proviennent du médicament remboursable), à une transformation du business model. Le métier de distribution de médicaments étant de moins en moins rémunérateur, il faut que la pharmacie trouve d’autres ressources telles que la prestation de services, le conseil, les entretiens, bref elle doit faire basculer la fonction de distributeur en faveur de celle d’acteur de la santé primaire*. Ce qui pose un problème de concurrence entre officine et MG.
L’assurance-complémentaire santé vers un rôle majeur dans le financement de la santé
« Le marché a représenté 32 Mds€ en 2012-13 (95% des Français salariés sont couverts par une mutuelle). Le financement des soins est en progression sur tous les postes, en particulier les soins dentaires et autres biens médicaux, sauf pour les consultations médicales et les médicaments. A partir du 1/01/2016, tous les salariés Français devront avoir une mutuelle obligatoire de groupe : 4 millions de salariés vont passer de contrats individuels à des contrats groupe, ce qui va bouleverser le paysage de l’assurance complémentaire. La France sera le premier pays au monde à avoir à la fois un système de couverture publique et obligatoire à la base et un système privé et obligatoire par-dessus le premier. Dès lors, par la force des choses, on voit mal comment éviter des transferts de charges du niveau public vers le niveau privé. Les mutuelles privées seront donc progressivement les principaux acteurs du financement par des apports aux finances publiques (c’est déjà le cas pour, entre autres, la CMU financée à 100% par les mutuelles), des missions d’intérêt général, des actions sur l’offre de soins, une couverture universelle en entreprise (Accord National Interprofessionnel du 11/01/2013).
Médicaments biosimilaires : l’Europe (notamment la France) pionnière
« La Loi de financement pour la sécurité sociale a introduit un dispositif de substitution pour les biosimilaires analogue (sans l’être tout à fait) à celui pour les génériques. Il s’agit d’une première mondiale française. Qu’est-ce qu’un biosimilaire ? Selon la loi européenne et française,
- « c’est un médicament biologique de même composition qualitative et quantitative en substance active et de même forme pharmaceutique qu’un médicament biologique de référence », mais…
- « … qui ne remplit pas les conditions prévues pour être regardé comme une spécialité générique en raison de différences liées notamment à la variabilité de la matière première ou aux procédés de fabrication » (autrement dit : the process is the product)
- « nécessitant que soit produites des données précliniques et cliniques supplémentaires dans des conditions déterminées par voie réglementaire ».
Contrairement aux génériques qui sont enregistrés sur la base de dossiers cliniques de phase 1, les biosimilaires doivent passer par des dossiers de phase 2 et 3. En fait, les biosimilaires ne sont ni techniquement, ni légalement des génériques : le process de production est différent (synthèse chimique versus synthèse biologique), de même que le délai de développement (court versus long) et les coûts de développement (environ 1 à 4M€ versus 50 à 400M€). La France a introduit la première législation pro-substitution en Europe qui se décline en deux parties :
1) Création d’un répertoire des biosimilaires (ou d’une liste) mentionnant : le biologique de référence, les biosimilaires substituables et « d’éventuelles mises en garde ou restrictions complémentaires ».
2) Définition des conditions de la substitution : le biologique de référence doit être prescrit en début de traitement, le pharmacien doit mentionner sur l’ordonnance le nom du biosimilaire dispensé et doit informer le prescripteur de la substitution, le même biosimilaire doit être dispensé lors des renouvellements.
Dans l’état actuel des choses, cette loi est complexe et ses modalités d’application difficiles (obligation par le pharmacien de prévenir le médecin du biosimilaire de substitution). De plus, elle comporte de nombreuses inconnues.
Enfin, dans le cas des biosimilaires, on ne fait pas de distinction claire entre laboratoires princeps et laboratoires biosimilaires car la plupart des laboratoires qui fabriquent aujourd’hui des biologiques produisent aussi des biosimilaires (Amgen par exemple) : en effet, ils possèdent la technologie, les produits et les usines. En outre, le CA estimé du marché des biosimilaires est de 7 Mds€ : il s’agit donc d’un très important en jeu économique ».
Denis Briquet pour la FNIM