Enquête IMS 2014
Vers un retour de la croissance dans les pays développés
Comme chaque année à la même époque, les membres de la FNIM ont pris connaissance des résultats de la dernière enquête IMShealth 360 qui dresse un panorama de l’industrie pharmaceutique mondiale. La livraison 2015, présentée et commentée par Vincent Bildstein, Président d’IMShealth, montre un retour de la croissance sur les marchés matures (USA, Europe) et constate l’inexorable montée en puissance du marché chinois. En prime, deux autres études, concernant l’observance en France et les signes de rupture de tendances au niveau mondial, ont été dévoilées.
Tendances du marché mondial du médicament
« Le marché mondial du médicament a passé la barre des 1000 Mds$ de CA et à l’horizon 2018, on estime que ce CA approchera les 1300 Mds$*, en croissance remarquable de 5,7%. Cette croissance masque des disparités entre les pays avec d’un côté le dynamisme des pays émergents (Chine : + 11%, BRI : + 9,8%) et de l’autre une stagnation relative des pays européens (France : - 0,3%, mais GB : + 5% ou Allemagne : + 4%). Sur la même période 2013-2018, les USA enregistreront un rebond significatif de 4% à comparer avec l’écroulement du marché observé en 2009-10. On sort d’une période où la croissance était concentrée quasi exclusivement sur les pays émergents : la croissance des dépenses augmente à nouveau après la perte des brevets. Cela dit, la contribution à la croissance mondiale des « Pharmerging » s’élève à 50% (en valeur) dont 27% rien que pour la Chine. A l’horizon 2018, il n’y a pas de changement radical de la structure du marché mondial du médicament, mais les USA représenteront un tiers de ce marché et la Chine pèsera à elle toute seule aussi lourd (en part de marché) que les 5 grands pays européens ».
Le marché de l’OTC et les perspectives pour la Big Pharma
« En termes de segment, le marché mondial de l’OTC (81 Mds€ de CA) représente environ 10% du total Pharma et stagne à ce niveau depuis 10 ans : il n’y a donc pas de relai de croissance de ce côté-là.
Les 10 plus gros laboratoires, eux, profitent assez peu de la forte croissance (+ 12%) des « Pharmerging », à la différence d’autres régions et particulièrement le Japon (effet de rattrapage). A noter la performance de Johnson&Johnson en très forte progression partout dans le monde (à l’exception des émergents) et de Sanofi aux USA. Si l’on regarde le Top 20 de la Big Pharma depuis 2004, on voit une grande stabilité du classement et notamment du podium (alternativement Pfizer, Novartis, Sanofi), mais on note aussi la montée en puissance d’acteurs spécialisés tels que les génériqueurs (Teva, Mylan) ou les laboratoires innovants (Novo Nordisk, Gilead). En termes de tendances – et bien qu’il soit très difficile de prévoir ce qu’il va véritablement se passer à l’horizon 2020 – on se dirige vers une nouvelle fragmentation du marché : alors qu’en 2004, la part du Top 20 dans les ventes mondiales s’élevait à 64%, en 2020, elle représentera moins de 50% (sous réserve d’un vaste mouvement de mégafusions…). Toujours à horizon 2020, les 4 facteurs-clés du succès pour être dans le Top 20 sont les fusions-acquisitions (par définition imprévisibles), et un mix implantation géographique/innovation et spécialité/cycle de vie (disparition de la fin de vie à 20 ans au profit de cycles courts) ».
Analyse du marché français
« Le marché français est en récession à la fois en valeur et en unités depuis 2012. La croissance ne viendra pas des génériques dont la pénétration est stabilisée et se trouve au niveau des meilleurs pays. De plus, les économies (2 Mds€) demandées par les pouvoirs publics ne pourront pas venir uniquement des génériques, ni d’ailleurs des biosimilaires. Les deux seuls secteurs dynamiques du marché français sont celui de l’hôpital (+ 5,5% en 2014) et celui des produits de prescription de l’hôpital délivrés en ville (les PHMEV**). Mais il existe d’ores et déjà une forte pression à la baisse sur les PHMEV qui, depuis 3 ans, coûtent à la collectivité environ 200 M€ par an. Du côté des officines, on constate une baisse du CA à la fois sur les produits prescrits sur ordonnance (- 2%) et sur l’OTC (- 4,2%) : le modèle de la pharmacie française est en crise sur son cœur de métier (sans compter la menace constituée par la grande distribution) et il devient urgent d’inventer un nouveau business model. En France, les objectifs de dépenses de santé (ONDAM) sont non seulement abaissés année après année, mais encore respectés : ainsi, plus de 10 Mds€ d’économies ont été réalisés entre 2005 et 2013, principalement par des baisses de prix sur le médicament ».
Analyse de l’observance
« L’observance est un comportement qui consiste à respecter un traitement tel qu’il est prescrit. Nous avons distingué 6 pathologies qui représentent un quart (5 Mds€) des dépenses annuelles du médicament (20,5 Mds€) en France : hypertension artérielle, diabète type 2, hypercholestérolémie, insuffisance cardiaque, asthme, ostéoporose. La méthodologie est basée sur les délivrances en officine (6400 pharmacies de ville) avec un suivi longitudinal (suivre le même patient dans le temps et analyser l’ensemble de son traitement). Les résultats montrent une observance généralement inférieure à 50%. Ainsi, 40% des patients souffrant d’hypertension sont allés régulièrement en officine pour renouveler leur traitement, 37% pour les diabétiques (type 2), 36% pour les insuffisants cardiaques… et seulement 13% pour les asthmatiques ! Nous avons aussi évalué le coût potentiel pour la collectivité de cette mal-observance (par exemple, AVC provoqués par l’hypertension ou œdèmes pulmonaires suite à l’insuffisance cardiaque), soit 9 Mds€ par an, hors complications liées aux effets indésirables, dont la moitié pour la seule hypertension artérielle ».
Les signes de rupture de tendances
« Cette année, nous en avons identifié 10 :
- L’arrivée en force de la technologie avec notamment les investissements massifs (et discrets) des GAFA*** dans le monde de la santé.
- Réflexion sur le financement des innovations de rupture (exemple du Sovaldi au coût très élevé mais au traitement limité à quelques prises)
- Vaccins révolutionnaires (dont celui contre la dengue) financés par des fondations (celle de Bill Gates, par exemple).
- Accès aux médicaments biologiques dans les « pharmerging », source de relais de croissance.
- Ouverture des données publiques de santé dans des pays tels que les USA, la Grande-Bretagne ou la Corée du Sud (et dans une moindre mesure, la France).
- Le retour de la croissance dans les pays développés, mais il est à craindre que le redémarrage du marché soit plus rapide que l’économie et donc crée des problèmes de financement.
- Nouveaux modèles économiques axés sur la performance.
- Le facteur coût devient de plus en plus déterminant pour les décisions cliniques.
- Les limites des politiques de pression sur les prix : la Chine en a fait l’expérience en 2014 avec comme contrepartie au prix bas une explosion des problèmes de qualité et de rupture d’approvisionnement des médicaments.
- La consolidation des achats au niveau mondial (tentation d’une pression sur les prix par l’efficacité des achats) ».
Denis Briquet pour la FNIM
* En prix fabricant, hors remises et ristournes.
** Prescriptions hospitalières de médicaments exécutées en ville.
*** Google, Apple, Facebook, Amazon.