de gauche à droite : Eric Phélippeau - FNIM, Dr Gérard Hovakimian - Prod'Arev, Dr Dan Tovar - Laboratoire Janssen, Dr Pierre-Louis Prost - KPL, Alain Trébucq - GMS
Le Medical Education (Meded), ou encore communication d’environnement, une pratique en pleine évolution, va-t-il bouleverser l’écosystème de l’information et de la communication médicale ? Va-t-il prendre son autonomie par rapport au Marketing sachant qu’il pèse de plus en plus lourd dans le mix ? Eléments de réponses avec Le Dr Dan Tovar, Directeur médical Oncologie-Hématologie chez Janssen France/Johnson&Johnson, Pierre-Louis Prost, Associé fondateur de l’agence KPL et Gérard Hovakimian, DG de l’agence PROD’AREV.
Histoire du Meded : de l’ombre à la lumière (exposé de Gérard Hovakimian)
« A l’origine, lorsque l’on travaillait sur un produit pharmaceutique, on se concentrait sur l’aide de visite (ADV), l’équipe médico-marketing préparait les arguments pour contrer les concurrents, et on attendait le brief suivant. Dans les années 90, avec l’acquisition des premiers budgets hospitaliers (VIH et oncologie), la question s’est posée pour les agences de la façon de communiquer sur les produits auprès d’hyperspécialistes, sachant que d’une part, ils sont présents dans les congrès et connaissent bien les essais cliniques, et que d’autre part, les délégués hospitaliers sont peu formés à la présentation des études. On avait comme outils les ADV hospitaliers et les fiches posologiques ainsi que les Tirés à part des études. Ce n’était pas suffisant. Nous avons alors proposé de mettre en place des boards de KOL (key opinion leaders) pour concevoir des outils au service du corps hospitalier et des patients (par exemple : enquêtes, symposium, publications). Mais les laboratoires ne voyaient pas d’intérêt à confier les boards aux agences, car les boards étaient la « chasse gardée du médical ». Le début des années 2000 voit l’apparition d’une communication d’environnement dans un contexte en forte évolution : création de l’INCA en 2004, lancement de nombreuses molécules innovantes, prise de conscience des laboratoires sur l’importance de la communication d’environnement au service de la marque, nouveaux canaux de communication (digital, vidéo-conférences…) – mais aussi affaire du Mediator en 2007 avec comme conséquences une réglementation de plus en plus stricte de la publicité pour les médicaments, et donc une communication produit de plus en plus limitée.
La politique de PROD’AREV est de capitaliser sur la relation humaine au niveau des KOL et des sociétés savantes afin d’être en adéquation avec leurs attentes sur le plan scientifique et pour les patients. Ainsi nous entendons apporter une valeur ajoutée réelle afin de faire évoluer les connaissances au plan médical en partenariat avec les laboratoires. Par exemple, en hématologie, on travaille beaucoup avec les sociétés savantes : mise en place d’un séminaire d’aide à la publication sous l’égide de la SFGM-TC (Société Francophone de Greffe de Moelle et Thérapie Cellulaire) car il n’y a pas assez de publications françaises dans les grandes revues internationales, l’objectif étant d’aider les jeunes hématologues à publier dans ces revues grâce à un coaching (formation en partenariat avec un laboratoire) de 2 jours par des KOL réputés. Autre exemple, toujours dans le conditionnement de greffe : un symposium académique annuel patronné par l’EBMT (Européean Society of Blood and Marrow Transplantation) ayant pour cibles les jeunes hématologues. Il s’agit vraiment d’une action de formation en partenariat avec un laboratoire.
Enfin, dans le cadre de l’optimisation du Meded selon la philosophie PROD’AREV, a été créée en 2014 la SFPT2C (Société Francophone de Prévention et de Traitement des Complications du Cancer). Cette société savante a pour but de favoriser les connaissances et le développement de la formation, l’éducation, la communication, la recherche, dans la prévention et le traitement des complications/conséquences du cancer ».
Meded et mix marketing (exposé de Pierre-Louis Prost)
« Aujourd’hui, un responsable marketing peut-il faire un plan marketing sans envisager d’investir dans le Meded ? Je ne le pense pas, car le poids du Meded dans le mix pèse de plus en plus lourd, au détriment des autres médias traditionnels (hors digital). Pourquoi ? Il y a au moins 3 raisons : l’accroissement des contraintes réglementaires sur la communication du produit, l’arrivée d’innovations thérapeutiques concernant principalement les produits hospitaliers (le Meded est une façon facile, rapide et relativement libre d’échanger avec des professionnels), les nouvelles technologies qui facilitent elles aussi les échanges collaboratifs. Quelles sont les principales caractéristiques du Meded aujourd’hui :
- Il n’y a pas de Meded sans KOL, mais il faut noter que l’espace de liberté propre au Meded est de plus en plus encadré.
- Tout au long de la vie du produit, même avant sa naissance, le Meded est un canal de communication important, et qui s’inscrit en parallèle du market access.
- Le Meded est national, mais devient régional avec le rôle croissant des RSR/MSL* qui sont les ambassadeurs naturels du Meded décentralisé.
- Le Meded tend vers l’autonomie. Au départ, il était « encapsulé » dans le budget marketing ; aujourd’hui, chez certains laboratoires avancés, il y a des directions Meded indépendantes des autres et qui pourraient être rattachées directement à la DG.
Le Meded est une réponse à l’évolution de l’environnement de la santé parce les PS ont de nouveaux besoins d’outils, solutions et e-services pour faciliter et faire évoluer leur pratique. Par exemple : plateformes collaboratives permettant un fonctionnement autour de communautés de projets/d’intérêt, solutions technologiques adaptées (télémédecine, éducation thérapeutique). L’évolution du Meded conduit à une transformation du mix marketing. Pour autant, va-t-on vers le tout Meded ? Vers un nouveau mix où les 5P** seront remplacés par les nouveaux 3 M (Meded, Market access et Medical) ? Question ouverte ».
Le Meded côté laboratoire (exposé du Dr Dan Tovar)
« Notre approche du Meded est celle d’une collaboration avec les médecins et les sociétés savantes pour disséminer les actualités médicales et promouvoir l’échange de pratiques. Les règles imposées par la législation différencient clairement le Meded de la promotion et nous sommes vigilants à protéger l’indépendance et la liberté de parole de nos comités scientifiques qui définissent, pour chaque événement, la pertinence des thématiques et le choix des experts orateurs. Ce procédé illustre le fait que nous nous imposons nous-mêmes de ne pas faire de choix de thématiques en fonction d’une rentabilité supposée (ROI). Ainsi, nos événements Meded abordent régulièrement des sujets autres que ceux qui concernent nos propres médicaments. Très souvent, nos événements Meded sont multi-pathologies et dans certains cas nous n’y avons pas de produit ni même de produit dans le pipeline Janssen. Nous nous fixons des règles très strictes pour éviter toute possibilité de requalification d’un événement Meded en promotion.
Dans le cadre du Meded, les experts orateurs peuvent parler de nos produits en développement, donc bien avant leur mise sur le marché, et par conséquent avant la communication marketing proprement dite qui n’est autorisée qu’après l’obtention de l’AMM, à partir du moment où cela est dans un contexte médical large et que les communications sur nos produits ne dépassent pas 30% du temps de l’événement.
Il est évident que dans des domaines à très forte innovation comme l’oncologie et l’hématologie, la communication Meded à l’intérieur d’un cadre réglementaire clair et strict joue un rôle important dans la communication scientifique auprès des professionnels de santé. D’ailleurs les médecins font parfaitement la différence entre un symposium Meded et un symposium promotionnel.
En termes de structure, chez Janssen, le Meded est rattaché au Médical, pas au Marketing comme dans d’autres laboratoires : il fait même partie intégrante d’une « Core team » au sein de la business unit qui comprend aussi le Médical, le Marketing, le Market access et donc le Meded, lequel a son propre budget.
L’un des avantages du Meded est qu’il permet de partager des connaissances et des pratiques, de parler du bon usage des médicaments ou, par exemple, d’échanger sur la gestion des effets indésirables, en mettant en relation les oncologues et hématologues avec des spécialistes du cœur ou du rein si la toxicité de tel médicament est plutôt cardiaque ou rénale. Ces échanges-là sont très appréciés à la fois par les cliniciens et par les médecins experts qui éduquent ainsi leurs pairs. Cette pluridisciplinarité est typiquement « Meded ».
A l’avenir, comme l’accès aux médecins, et surtout leur disponibilité pour assister à des événements, deviennent difficiles parce qu’ils sont très sollicités, il faudra probablement faire évoluer les formats et les canaux de la communication Meded, peut-être grâce au digital ou à d’autres méthodes : le « sympo » Meded classique risque en effet de s’essouffler assez rapidement ».
Denis Briquet pour la FNIM
*Responsable scientifique régional/Médecins régionaux
** Produit, Place (distribution), Prix, Promotion, Personnalité de l’entreprise ou de l’entrepreneur.