Télécharger l'enquête : « Les tendances du marché mondial de l’industrie pharmaceutique »
de gauche à droite : Pierre-Louis Prost - KPL Caroline Mascret - Faculté de Chatenay, Nicolas Bohuon - Pharmaceutiques, Pr Claude Le Pen, Eric Phéilippeau - FNIM
Notre dernière matinale était consacrée à la présentation des tendances du marché mondial de l’industrie pharmaceutique analysées par IMS Health. Comme chaque année, ces résultats étaient présentés par Claude Le Pen, consultant auprès d’IMS Health et professeur d’économie à Paris Dauphine. Une fois de plus, la France se distingue : d’une part, le pays ne profite pas de la croissance observée ailleurs dans le monde, d’autre part, l’évolution du paysage politique à la veille du second tour des élections présidentielles entraîne de fortes incertitudes quant aux réformes ou législations à venir.
Un marché mondial en croissance à moyen terme
« En 2016, la tendance du marché mondial de l’industrie pharmaceutique reste à la hausse, y compris en Europe, à l’exception notable de la France. L’Amérique du nord continue à dominer avec 47% de part de marché, suivie par l’Afrique-Asie Pacifique (24%), l’Europe (22%) et l’Amérique latine (6%). En volume, il s’élève à 1000 Mds de $ mais est très inégalement réparti. Selon les prévisions d’IMS, ce marché atteindra 1400 Mds de $ en 2020 : les pays matures croissent dans une fourchette de 4 à 7% (sauf le Japon et la France en légère récession) et les pharmerging de 6 à 9% avec deux pays qui surperforment : l’Inde (10 à 13%) et la Turquie (13 à 16%). Toujours à l’horizon 2020, trois pharmerging rejoindront le Top 10 : la Chine (n°2 derrière les USA), le Brésil (n°5) et l’Inde (n°9). La France, au cinquième rang mondial en 2015, reculerait de deux places tandis que les USA resteraient le grand pays pharmaceutique, responsable de 53% de la croissance mondiale en 2016-2020 (contre 41% pour la période 2011-2015). Par aires pathologiques, le marché mondial reste toujours dominé par l’oncologie grâce à l’innovation et à des facteurs démographiques, mais les traitements contre le diabète et les maladies cardio-vasculaires augmentent aussi sensiblement. En Europe, la croissance reste positive, quoique modérément : 3,2% en 2016-2020 contre 2,8% en 2011-2015. Les 4 facteurs-clés de cette situation sont la stabilisation de l’hépatite C, le développement des biosimilaires (en France, basculement progressif à l’hôpital), le contrôle des prix et les nouveaux mécanismes de régulation, et les effets – incertains - du Brexit ».
Le Brexit, source d’incertitude pour l’industrie pharmaceutique
« Plusieurs questions sont posées par le Brexit :
- Que va devenir l’European Medicines Agency (EMA) basée à Londres ? En principe, sauf renégociation, l’EMA doit résider dans un pays de l’UE, donc quitter le Royaume Uni.
- Quelles seront les réglementations des produits pharmaceutiques au Royaume Uni ?
- Quid des contrats et des subventions européens obtenus par les unités de recherche britanniques ?
- Quel sera l’impact du Brexit sur le commerce, les droits de douane et la libre circulation des marchandises ?
- Quid de l’attractivité du Royaume Uni pour les lancements de nouveaux produits et la localisation des sièges sociaux ? »
Le marché français
« Le marché français des ventes de médicaments (ville) semble se stabiliser et la dépense pharmaceutique par habitant tend à se normaliser relativement aux autres pays européens alors qu’elle a été longtemps supérieure. Cette normalisation est due à l’augmentation de la pénétration des génériques, à la baisse des prescriptions des médecins libéraux et surtout à la baisse des prix. La France n’est plus le pays qui surconsomme des médicaments (c’est plutôt le cas de l’Italie). Du coup, le taux de croissance du marché « retail » français est en léger retrait (- 0,4%). A l’inverse, le marché de l’hôpital est en nette croissance de +7% à 8 Mds€ du fait de l’oncologie et de la liste en sus. Le marché de l’officine se monte à 34,5 Mds€ (dont 81% pour les produits avec AMM) ».
Quelles prévisions pour le marché français ?
« Il devrait rester stable pour les 5 prochaines années, les facteurs de croissance (lancement de nouveaux produits, par exemple) compensant les freins (baisse des prix ou entrée des biosimilaires). Mais il y a nombre d’interrogations :
- Quelle politique du médicament pour le nouveau quinquennat : loi de programmation pluriannuelle à la place de la LFSS, aides à l’innovation, normalisation des rapports avec l’industrie pharmaceutique ?
- Quelle politique de la « nouvelle » HAS (renouvellement du Collège, qualité de l’expertise) ?
- Un « nouveau » CEPS (Comité économique des produits de santé) ?
- La pratique des remises
- Quels nouveaux schémas de tarification et de régulation ?
- Menaces potentielles pour l’accès aux soins ? Le décret « liste en sus » de mars 2016 introduit implicitement un rationnement administratif des produits dotés d’une ASMR (amélioration du service médical rendu) par la HAS.
Les enjeux des GHT (groupements hospitaliers territoriaux)
« La création des 135 GHT date de juillet 2016. Les GHT ont 3 objectifs : viser la performance et l’efficience hospitalière, répondre aux difficultés de recrutement et aux risques sur la qualité de l’offre, combattre les inégalités grandissantes d’accès aux soins. Il s’agit que les établissements publics de santé d’un même territoire définissent une stratégie de prise en charge partagée autour d’un projet médical commun et gèrent ensemble certaines fonctions transversales (achat, formation…). Mais les structures créées sont hétérogènes : ainsi 42 GHT incluent de 5 à 10 établissements de santé tandis qu’un seul en englobe entre 35 et 40… En outre apparaissent quelques inégalités régionales avec par exemple 5 GHT dans les Pays de la Loire contre 14 pour les Hauts de France.
Les enjeux des GHT concernent l’ensemble des fonctions des laboratoires (adapter la stratégie hôpital, optimiser la sectorisation des délégués hospitalier, suivre le parcours patient ville/hôpital et intra établissement…). Il est à noter que 83% des GHT a déjà identifié des objectifs, 65% disposent d’un comité stratégique commun et 39% ont déjà identifié des filières de soins (oncologie, AVC…).
Denis Briquet pour la FNIM