En France, Instagram, c’est 23,7 millions d’utilisateurs mensuels actifs et une moyenne de 12h13, en termes de temps passé chaque mois, par personne, sur l’application. Ce qui en fait le 3e média social le plus utilisé, derrière YouTube et Facebook. Dans le domaine de la santé plus particulièrement, Instagram a également la cote. L’industrie pharmaceutique plébiscite de plus en plus cet outil et pourrait même le préférer à X (ex-Twitter) dans les prochains mois. C’est en tout cas ce qui ressort des résultats du baromètre #BeyondTheScore – volet Instagram, présentés lors de la dernière Matinale de la FNIM du 24 avril 2024, organisée dans les locaux du Roof Top Grenelle, à Paris, et en visioconférence. Pour l’occasion, Laurent Mignon, directeur associé de LauMa communication, Rémy Teston, consultant en stratégie digitale et expert en e-santé (Buzz E-sante), ainsi que Laurence Dardenne, fondatrice de La Santé Digitale, ont échangé à propos des liaisons, plutôt heureuses, entre Instagram et l’industrie pharmaceutique. Un débat animé par Emmanuelle Klein, directrice associée de LauMa communication et vice-présidente de la FNIM.
Instagram serait-il le nouvel Eldorado de l’industrie pharmaceutique ? La question mérite d’être posée au regard des résultats du baromètre #BeyondTheScore – volet Instagram, qui mesure l’activité des laboratoires et de leurs campagnes sur ce réseau social. Premier enseignement issu de cette étude : « Instagram s’affiche désormais comme une plateforme de référence pour l’industrie pharmaceutique », constate Rémy Teston. Le consultant en stratégie digitale et expert en e-santé (Buzz E-sante) explique le phénomène par « un désengagement progressif du réseau X (ex-Twitter), moins attractif qu’avant, au profit d’Instagram ». Instagram pour lequel il préconise, « dans l’idéal », un post quotidien. « Mais 2 à 3 posts par semaine, c’est déjà bien », nuance-t-il. Des posts qui racontent quoi ? Le baromètre #BeyondTheScore distingue les comptes « corporate » (Lilly, Bayer, BMS, Sanofi…) des comptes « thématiques » (Chaîne Rose, Voix des patients…). Pour les premiers, la ligne éditoriale est assez similaire d’un laboratoire pharmaceutique à un autre. La tendance générale quant au premier trimestre 2024 fait état de posts axés sur « des campagnes de prévention et de sensibilisation autour de pathologies, des témoignages de patients et de soignants, les engagements RSE du labo ou encore la mise en valeur de la marque employeur, des métiers et des salariés », décortiquent Rémy Teston et Laurent Mignon, directeur associé de LauMa communication. Concernant les comptes « thématiques », la tendance est aux témoignages de patients, aux conseils pour la vie au quotidien avec la maladie, à la prévention, mais aussi à la recherche et aux paroles d’experts. « Le tout sous différents formats (story, reel, publications), avec des infographies, vidéos et animations », précise Rémy Teston.
« Un écosystème pharmaceutique de plus en plus actif »
Le baromètre #BeyondTheScore dissèque de façon assez chirurgicale la socialmédiasphère pharmaceutique française. Ce qui permet d’entrer dans les détails. Ainsi, concernant les comptes « corporate », le classement selon le nombre d’abonnés, à l’issue du premier trimestre 2024, place Sanofi, Biogaran et Amgen dans le trio de tête, avec respectivement 10 407, 6 450 et 1 528 « followers ». Puis, si l’on observe le nombre de contenus publiés, sur cette même période, Amgen, BMS et Biogaran sont les trois premiers. Par ailleurs, tous comptes confondus, la moyenne mensuelle de 8,7 posts publiés par compte lors du premier trimestre 2024, versus 7,1 post par mois en 2023 témoigne d’un écosystème pharmaceutique de plus en plus actif. Quant au classement selon le volume de réactions, le baromètre montre qu’en moyenne, en 2023, chaque post a reçu 31 réactions, versus 27,7 réactions par post lors du premier trimestre 2024. Même impression de tassement avec le taux de post interaction moyen*. Il était de 3,1%, alors qu’il recule début 2024, pour se positionner à 2,75%. Enfin, pour le 1er trimestre 2024, Lilly est en tête du classement au niveau du taux d’interaction. Avec 6,8%, le labo obtient, en effet, le meilleur taux de post interaction. De plus, il truste le podium du « top 3 des contenus », sur ce même trimestre, avec des taux de post interaction de 12%, 10% et 9,4% pour des sujets de marque employeur et de valorisation des collaborateurs.
Une attente de la part des patients en termes d’information, prévention, témoignages…
Pour ce qui est des comptes « thématiques », les trois premiers en nombre d’abonnés sont Chaîne Rose, Voix des patients et Parlons dépression. Avec respectivement 9 137, 7 895 et 7 634 abonnés au premier trimestre 2024. Parallèlement, le baromètre #BeyondTheScore fait état de 25 posts publiés en moyenne par compte, sur cette même période. Soit 1,89 post par semaine et par compte – versus 1,75 post par semaine et par compte pour la moyenne de l’année 2023 -. Une hausse qui témoigne d’une attente de la part des patients en termes d’information, prévention, témoignages... Même dynamique du côté des interactions au premier trimestre 2024, avec quelque 23 000 réactions. Sachant que sur la totalité de l’année 2023, ce sont 87 000 réactions qui ont été comptabilisées. Ce qui fait dire à Rémy Teston et Laurent Mignon que « l’Instasphère pharmaceutique sait engager ses publics ». Avis partagé par Laurence Dardenne, fondatrice de La Santé Digitale. Experte en valorisation de campagne de sensibilisation et communautés de patients sur Instagram, elle supervise, pour les laboratoires Roche, les comptes Chaîne Rose – compte consacré au cancer - et Voix des patients – compte ciblé sur les maladies chroniques -. Deux comptes qui remportent un franc succès auprès des patients, car ils leur rendent service, mais ils leur donnent aussi la parole, reflètent leur vécu, ainsi que celui de leurs proches. D’ailleurs le « top post 2023 », mis en exergue par le baromètre #BeyondTheScore n’est autre qu’un post du compte Voix des patients, sous forme de citation : « La maladie chronique, c’est hésiter chaque jour entre ‘je ne la laisserai pas ruiner ma vie’ et ‘je dois écouter mon corps et me reposer’. » Une phrase qui a fait écho au vécu de bon nombre de malades. Résultat : le post a obtenu 573 « likes », 50 commentaires avec réponses et 28% de taux d’interactions. À titre de comparaison, au premier trimestre 2024, le « top post » - avec 244 « likes » et 32% de taux d’interactions - a été attribué au compte La Santé au féminin, pour un post consacré au podcast Bliss Stories de Clémentine Galey. Celui-ci aborde la maternité de manière « décomplexée et authentique ». Une proximité du quotidien des jeunes mamans qui fait mouche.
« Les comptes monothématiques plus performants et plus fédérateurs que les comptes corporate »
« L’ancienneté paye. » Pour expliquer la réussite d’un compte « thématique » sur Instagram, Laurence Dardenne pointe aussi la longévité de celui-ci. À l’instar de celui de Chaîne Rose qui a plus de 4 ans d’existence et quelque 9 000 abonnés. À cela s’ajoute l’ouverture aux formats sponsorisés. Ce qui est le cas, par exemple, avec Roche. Un sponsoring que Rémy Teston ne voit pas d’un mauvais œil. Au contraire. Il parle volontiers d’un « écosystème » créé avec les laboratoires, qui permet de pousser du contenu sur d’autres réseaux, porter la parole d’experts et susciter beaucoup d’engagements. Il ajoute : « Les comptes monothématiques sont plus performants et plus fédérateurs que les comptes corporate ». Conséquence : un labo a tout à y gagner en termes d’image, de surcroît lorsque l’abonné n’y voit pas d’approche publicitaire particulière. Et pour cause : le contenu reste du vécu avant tout.
« Qui dit commentaires dit modération… »
Enfin, qu’en est-il du traitement des commentaires sous une publication Instagram ? « C’est un travail de fourmi », reconnaît Laurence Dardenne. « Car, poursuit-elle, qui dit commentaires dit modération et pharmacovigilance. » Or, rien que sur le compte de Chaîne Rose, 15 000 à 20 000 commentaires rédigés sont recensés chaque année. « Ce qui permet de remonter des tendances et nourrir la ligne éditoriale », souligne la fondatrice de La Santé Digitale. Quant à la modération, « Roche nous laisse discuter avec la communauté et valide nos contenus rapidement pour un maximum de réactivité ». À ce titre, Laurence Dardenne évoque une « relation de confiance » avec les laboratoires. « Surtout si le cadre éditorial est respecté », dit-elle, et que l’on pense à « mettre le réglementaire dans la boucle en amont de l’ouverture du compte », ajoute Laurent Mignon. « Nous ne supprimons jamais de post, mais nous pouvons retirer certains commentaires et en informer l’auteur », précise encore Laurence Dardenne. En particulier si un « follower » demande des préconisations de traitement. Derrière la prise en compte et la gestion de ces commentaires de communautés de patients, Rémy Teston entrevoit une reconnaissance des laboratoires pharmaceutiques en tant qu’acteurs incontournables sur les réseaux sociaux. « À terme, pour ces laboratoires, c’est aussi une façon de toucher les professionnels de santé et un moyen de renforcer leur image », complète-t-il. Serait-ce également une autre forme d’engagement sociétal de la part de l’industrie pharmaceutique ? Le débat est ouvert.
* Pour chaque post, il faut diviser la somme des interactions par le nombre d’abonnés au moment de la publication. Puis, il faut additionner les valeurs de tous les posts et, enfin, diviser cette somme par le nombre de posts au cours de la période donnée.