Alors que la crise sanitaire a accéléré le développement des consultations médicales à distance, les solutions digitales continuent d’investir le secteur de la santé. À commencer par l’industrie pharmaceutique. Car lorsque l’e-santé se porte bien, c’est tout l’écosystème du médicament qui en ressent les effets. À cela s’ajoute l’arrivée des thérapies numériques (ou “Digital Therapeutics” / DTx), qui pourraient générer quelque 32 milliards de dollars de revenu d’ici à 2024, selon une étude du Juniper Research. Dans un tel contexte, la Matinale Open FNIM organisée le 23 mars 2022 dans les locaux de l’Aéroclub de France, à Paris, également relayée via Zoom, a été consacrée à « la place du numérique dans le portefeuille de produits et services proposés par l’industrie pharmaceutique ». Un thème qui a permis de converser et débattre avec le Dr Yacine Hadjiat, Directeur des Solutions Digitales de Biogen Digital Health, entité d’innovation mondiale de Biogen dédiée à la santé numérique en neurosciences. Cette matinée était animée par Denise Silber, secrétaire générale de la FNIM, spécialiste en santé digitale, co-fondatrice de VRforHealth.com, fondatrice de Basil Strategies et auteur du livre Le praticien connecté (éditions Edimark).
La discipline est récente et sa pratique encore plus. Les thérapies numériques se développent doucement, mais sûrement. Avec, d’un côté, des professionnels de santé qui s’interrogent encore, car peu ou rien, sur ce thème, n’est enseigné en fac de médecine. Certains se disent même dubitatifs, notamment quant à la protection des données… Et de l’autre côté, l’industrie pharmaceutique voit en ces innovations une façon de mieux prédire, suivre, traiter et accompagner les patients. Tout en gagnant en temps, précision, efficacité, performance et mutualisation des compétences. Alors où en est-on vraiment ?
La pertinence d’un parcours atypique
« La pandémie de Covid-19 a été un accélérateur pour l’adoption et l’acceptation du numérique dans le secteur de la santé », constate Yacine Hadjiat, Directeur des Solutions Digitales de Biogen Digital Health. Mais pour s’emparer du thème des thérapies numériques, la variété des expériences, la polyvalence et l’ouverture d’esprit sont de mise. Denise Silber, secrétaire générale de la FNIM, spécialiste en santé digitale et animatrice de la Matinale Open FNIM à laquelle Yacine Hadjiat a participé, a insisté sur cet aspect en prenant en exemple le parcours du médecin invité. Ainsi, l’actuel Directeur des Solutions Digitales au sein de Biogen Digital Health, a d’abord été médecin clinicien, spécialisé notamment en dans la prise en charge de la douleur. La suite, il la raconte : « J’ai eu la curiosité et la volonté de suivre une formation en management de la santé au sein d’une école de commerce. Cette formation étant sponsorisée par Sanofi, j’ai eu l’opportunité de rejoindre le département stratégie et affaires publiques du laboratoire. Déjà à l’époque, ce laboratoire pharmaceutique se projetait dans le futur et la transformation de la santé, avec une vision qui allait jusqu’à 2050, voire au-delà. Ensuite, j’ai intégré le laboratoire allemand Grunenthal : cette expérience au sein du département affaires médicales et scientifiques fut très enrichissante. J’ai poursuivi avec une formation en recherche clinique, puis je suis parti aux Etats-Unis, où je me suis consacré à ma recherche académique en neurosciences et en oncologie au sein des National Institutes of Health (NIH) à Washington. Cette expérience académique américaine m’a apporté un enseignement clé : elle m’a ouvert les yeux sur une autre forme de recherche médicale et thérapeutique. Et pour cause : les NIH illustrent une approche spécifique, car il s’agit du plus grand organisme de recherche biomédicale au monde avec 75 bâtiments, 27 centres de recherches, 50 milliards de dollars de budget et un seul écosystème pour un maximum d’efficacité et de continuum de recherche. Cet écosystème inédit stimule une effervescence et un dynamisme incroyable pour explorer une théorie scientifique, identifier une thérapeutique, apporter des solutions aux patients. Et tout se passe au même endroit. » De retour en France, Yacine Hadjiat intègre les laboratoires Mundipharma, en tant que Directeur médical France, puis Europe à Cambridge UK, avant de partir à Singapour, en 2015, pour aider au développement des pays émergents, dont l’Asie, la région Afrique Moyen-Orient et Amérique Latine, puis global. « Mundipharma s’était lancée dans la santé numérique. C’était nouveau. Beaucoup de nos projets en innovations se sont faits en collaboration avec des start-up. J’étais également très impliqué dans le domaine de la santé numérique et de l’innovation en Asie, partie du monde qui se transforme à une vitesse incroyable. » Le défi a plu à Yacine Hadjiat, même s’il reconnaît que le chemin de l’innovation est semé d’embuches. « Mais cela m’a mis le pied à l’étrier. » En 2020, en pleine crise sanitaire, il rejoint Biogen à Paris pour collaborer à la création de l’entité internationale dédiée au Neuro-technologies, Biogen Digital Health. « Pour résumer, dit-il, mon parcours n’a fait que suivre les évolutions du domaine de la santé. »
« Nous faisons preuve d’agilité, d’autonomie et de créativité »
« Il se passe quelque chose, aujourd’hui, dans la santé numérique. Et j’ai envie de faire partie de ce nouveau chapitre, qui s’écrit dans le secteur de la santé », souligne Yacine Hadjiat. « En rejoignant Biogen Digital Health, je contribue avec plus d’une centaine de collaborateurs à travers le monde à faire de la santé numérique une réalité en neuroscience », explique-t-il. Biogen Digital Health, fédère des compétences à la fois en en science et en technologies. Au-delà du numérique comme vecteur d’engagement des patients et des professionnels de santé, à travers les applications notamment, l’idée est de créer de la valeur dès les phases de développement des molécules par exemple, grâce à l’alliance des sciences et des technologies. « Avec une feuille de route précise, des objectifs à 5, 10 voire 15 ans et des talents internationaux, nous sommes en train de développer non seulement une structure mais également des solutions à même - je l’espère un jour - de révolutionner la manière dont on approche les neurosciences », confie Yacine Hadjiat. Avec des équipes qui s’étoffent : en deux ans, elles sont passées de 60 personnes à Paris à plus de 150 réparties entre Paris, Boston et Zurich. Des équipes au cœur de Biogen, « qui mixent chercheurs, médecins et spécialistes de la tech, de la data, de l’intelligence artificielle… », poursuit le médecin. « En terme de fonctionnement, nous faisons preuve d’agilité, d’autonomie et de créativité pour être un pilier du changement au sein de l’organisation. » Dans cette même veine, une division au sein de Biogen Digital Health est dédiée à l’innovation extérieure. Sa mission : identifier des start-up capables d’accélérer le développement de solutions numériques. Yacine Hadjiat évoque aussi des fonctions support, ciblées sur la finance, le réglementaire ou encore la compliance. Quant au portefeuille de produits, il se développe grâce à quatre « Solutions Units ». À savoir une équipe dédiée aux solutions destinées aux patients, une autre aux solutions pour les professionnels de santé, une autre encore à la réalité virtuelle et, enfin, une équipe dédiée aux biomarqueurs digitaux et aux solutions de mesure et monitoring. Chaque unité est chapeautée par un General Manager, « afin d’organiser au mieux cet écosystème de différents métiers », précise-t-il.
« Allier biologie et technologies pour continuer à transformer la vie des patients »
« À court terme, notre priorité est d’avoir une entité d’innovation numérique qui permette à Biogen d’allier biologie et technologies pour continuer à transformer la vie des patients dans les neurosciences et ainsi conserver notre position de pionnier dans ce domaine si complexe », affirme Yacine Hadjiat. Autrement dit : c’est un panel de création de valeurs qui est recherché. Le médecin cite, par exemple, les services aux patients, une dynamisation de la R&D, des traitements rendus plus efficients ou encore des algorithmes capables d’améliorer la radiologie… Quant aux indicateurs de performance, « l’adoption » en fait partie. « Nos solutions doivent résoudre un problème et ce qui valide une solution, c’est la façon dont les patients, par exemple, vont l’adopter, s’en emparer, y être fidèle », détaille Yacine Hadjiat. À ce titre, il précise que l’une des équipes de Biogen Digital Health est dédiée à la recherche de l’ « expérience utilisateur » pour expérimenter, tester, donner un avis sur les solutions proposées par Biogen Digital Health.
La France, lieu d’investissements en santé numérique important pour Biogen
Et demain ? Vers quoi va-t-on ? Numérique et santé ne feront vraiment plus qu’un ? Yacine Hadjiat parle d’un monde où le numérique sera une partie prenante totalement intégrée dans le monde de la santé. Un vecteur de recherche et de soins parmi d’autres. Un monde où l’on verra aussi de plus en plus le rapprochement des acteurs de la Tech et ceux de la santé traditionnelle. Côté partenariat pour Biogen Digital Health, il cite en exemple la collaboration avec la start-up TheraPanacea (Paris-Saclay), à hauteur de 50 millions d’euros d’investissement, axée sur plusieurs domaines thérapeutiques en neurosciences. L’objectif étant de tirer parti notamment de l’intelligence artificielle pour imaginer des solutions de santé numérique capables d’améliorer les soins aux patients, accélérer le développement de médicaments, mieux comprendre des pathologies sous-jacentes des maladies neurologiques à travers l’imagerie. Enfin, des solutions développées par Biogen sont sur le point d’être déployées dans plus de 30 pays. La France, les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Australie, le Brésil ou encore l’Italie sont en tête de liste. Mais la Chine devient une destination à privilégier également. Enfin, rappelons que la France représente un lieu d’investissements en santé numérique important pour Biogen, qui a fait le choix en 2021 d’implanter son entité mondiale, Biogen Digital Health, à Paris. Parallèlement, Biogen a annoncé, dans le cadre de Choose France, des investissements à hauteur de 175 millions d’euros dans la santé numérique pour les 5 prochaines années.