En marge de la Journée Mondiale de la sclérose en plaques, fixée chaque année au 30 mai, la FNIM a consacré sa troisième WebMatinale à cette pathologie, qui concerne 100 000 personnes en France. Comment les malades ont-ils vécu ces deux mois de confinement ? Quels sont les enseignements d’une telle période, en terme de prise en charge ? Que faire pour améliorer le suivi et l’accompagnement des malades dans cet « après-Covid 19 » ? Des questions auxquelles trois experts ont répondu. A commencer par Pascal Douek, médecin du sport, micro-nutritionniste et ancien directeur d’une agence de communication. Atteint d’une sclérose en plaques, diagnostiquée en 2012, il partage désormais son emploi du temps entre des missions pour l’Arsep (Fondation pour l’aide à la recherche sur la sclérose en plaques), l’Unisep (Union pour la lutte contre la sclérose en plaques), et l’écriture de livres. Son dernier ouvrage, Le cannabis médical, sortira en septembre 2020 aux éditons Solar. Autres invités de cette WebMatinale du 27 mai dernier, suivie par une cinquantaine d’internautes : Christian Deleuze, directeur général de Sanofi Genzyme, laboratoire engagé dans la recherche et développement de thérapies innovantes, et Sandrine Dumas, Responsable Programmes Patients SEP chez Sanofi Genzyme, dont font partie des programmes destinés à aider les personnes atteintes d’une sclérose en plaques et leurs proches.
« Avoir une sclérose en plaques, c’est d’abord être dans une errance diagnostique pendant plusieurs mois. » Consultations, tests, examens, avis de plusieurs médecins… C’est ce qu’a vécu Pascal Douek en 2012. Médecin du sport, micro-nutritionniste et patron d’une agence de communication, il a dû soudain repenser son quotidien, vie personnelle et professionnelle, à l’instar des 5 000 personnes chez lesquelles on détecte, chaque année en France, une sclérose en plaques. La tranche d’âge des 20-40 est la plus touchée, 75% des cas sont décelés chez des femmes et 85% des personnes sont initialement diagnostiquées avec une forme rémittente de la maladie. Au total, quelque 2,3 millions de personnes vivent avec cette pathologie chronique dans le monde et 100 000 rien qu’en France. La sclérose en plaques représente la première cause de handicap sévère d’origine non traumatique chez les trentenaires.
La nécessité de s’engager
« En 2012, l’annonce du diagnostic a été, pour moi, d’une grande violence », a confié Pascal Douek dès le début de cette WebMatinale de la FNIM. Si bien qu’il n’a d’abord prévenu que sa famille et ses proches. Il a attendu jusqu’en 2017, « lorsque physiquement, on voyait que j’étais malade », pour le dire à ses collaborateurs et transformer plages horaires et vie de bureau en mi-temps thérapeutique. Parallèlement, il va débuter des missions pour l’Arsep (Fondation pour l’aide à la recherche sur la sclérose en plaques) et l’Unisep (Union pour la lutte contre la sclérose en plaques), qui consistent aussi bien à assurer des permanences téléphoniques, pour écouter et aider les personnes malades, qu’à représenter ces associations au sein d’instances scientifiques ou institutionnelles. Traitements, observance, prise en charge médicale, sociale et psychologique, en ville comme à l’hôpital… ces thèmes sont au cœur des préoccupations des patients, des soignants, des chercheurs. « Depuis le début des années 2010, nous nous intéressons à la sclérose en plaques, parce que nous avons développé deux traitements, mais aussi parce que nous avons rencontré Charlotte Tourmente, médecin, journaliste et atteinte par cette maladie. Lorsqu’elle est venue nous raconter son histoire, elle nous a touchés à la fois par son énergie et les renoncements qu’elle a dû faire à cause de sa pathologie », explique Christian Deleuze, directeur général de Sanofi Genzyme. Invité de la WebMatinale, il a souligné la façon dont le parcours de Charlotte Tourmente a convaincu ses équipes de « la nécessité de s’engager ». D’ailleurs, en février dernier, Sanofi a annoncé que l’essai de phase II de son inhibiteur BTK à pénétration cérébrale avait atteint un critère d’évaluation principal dans le traitement de la sclérose en plaques rémittente-récurrente. Autrement dit : cet essai a montré que la molécule expérimentale a significativement réduit l’activité de la pathologie.
La problématique de l’isolement des patients
Si l’heure est au progrès, l’épisode du Covid-19 a toutefois révélé certaines failles. « Pendant deux mois, on a beaucoup parlé des personnes atteintes de Covid, mais on s’est peu occupé des autres malades. Conséquence : on a pu observer des retards dans les diagnostics de maladies rares, de scléroses en plaques, de cancers… Les personnes atteintes de pathologies chroniques ont été moins bien suivies et donc moins bien traitées », a constaté Christian Deleuze. Pour le directeur général de Sanofi Genzyme, il devient urgent de remettre en place « une dynamique de prise en charge de ces patients ». Pascal Douek a enfoncé le clou en évoquant l’isolement dans lequel se sont retrouvés de nombreux patients atteints de sclérose en plaques. Un isolement d’autant plus difficile à vivre que « beaucoup de ces personnes malades sont handicapées », a précisé le médecin. A cela s’ajoute l’angoisse dans laquelle certains se sont retrouvés « à l’annonce d’un risque d’infection au Covid-19 plus élevé chez les personnes déjà atteintes d’une pathologie ». Il a fallu notamment que l’Arsep fasse preuve de pédagogie et explique aux malades qu’il n’y avait aucun risque supplémentaire d’infection sévère, lorsqu’on avait une sclérose en plaques. « Cette initiative a désamorcé la bombe Covid chez les patients », selon Pascal Douek. Informer, expliquer, ne rien dramatiser, échanger, partager, inciter à poursuivre un traitement et à ne pas rester seul : ces partis pris de la part des associations ont permis de rassurer les personnes malades, ainsi que leurs proches.
Les enseignements de la crise sanitaire
« Cette pandémie mondiale a généré beaucoup d’émotion et des communications parfois peu cohérentes, a commenté Christian Deleuze. Aujourd’hui, les discours scientifiques sont plus posés et des essais cliniques ont été lancés, dont nous devrions avoir les premiers résultats en juin prochain. » La sortie de cette crise sanitaire sans précédent se profile, donc. Les débats se dépassionnent un peu. On prend du recul. L’heure est aux enseignements de deux mois de vie dans un monde à l’arrêt. « A l’arrêt », sauf dans les hôpitaux et plus particulièrement dans les services d’urgences et de réanimation... « Je n’étais pas geek jusqu’en janvier dernier. A présent, je reconnais que ce mode de vie alternatif, où l’on reste en contact avec tout le monde en étant connecté, va accélérer nos façons de travailler », a admis le directeur général de Sanofi Genzyme. Pour lui, cette période de confinement a démontré la pertinence et l’efficacité de la télémédecine. Les téléconsultations ont permis, par exemple, de répondre aux inquiétudes de certains patients, suivis d’habitude en hospitalisation de jour. Mais ce mode de consultation à distance peut également servir à désengorger des services hospitaliers, où il faut attendre plusieurs mois avant d’être reçu.
Des actions pour redonner de l’espoir aux malades
Cette WebMatinale a aussi été l’occasion d’évoquer la Journée Mondiale de la sclérose en plaques, organisée chaque année le 30 mai. En France, l’édition 2020 était prévue à Nice : la ville devait se parer des couleurs de l’Unisep. Mais Covid-19 oblige, l’événement se met, lui aussi, à l’heure du digital et des réseaux sociaux. Avec un thème de prédilection pour ce nouveau cru, à savoir « les connexions » : connexion communautaire, connexion avec soi-même, connexion à des soins de qualité. De quoi faire écho à la télémédecine, aux téléconsultations et autre télétravail que patients et soignants ont expérimenté durant les deux mois de confinement. « Cette journée est toujours un temps fort pour les malades et leurs proches. Ils peuvent parler, échanger, s’informer », a expliqué Sandrine Dumas. Responsable des Programmes Patients SEP chez Sanofi Genzyme, elle a également annoncé que, faute de courses au calendrier – Covid-19 oblige -, le bateau « Solidaires En Peloton - Arsep » allait accueillir, à son bord, des personnes atteintes de sclérose en plaques, en juin, juillet, septembre et octobre. Ce catamaran Multi50, sponsorisé entre autre par Sanofi et skippé par le navigateur Thibaut Vauchel-Camus, va ainsi longer les côtes françaises durant quatre mois, alors qu’il participe d’habitude à des événements telle que la Transat Jacques Vabre, qui relie Le Havre à Salvador de Bahia. D’autres actions sont également soutenues par Sanofi tout au long de l’année avec des personnes malades, pour leur redonner espoir et confiance en elles. Sandrine Dumas a cité en exemple les journées SEP et SKI « Remonte la pente », menées avec la Ligue Française contre la Sclérose En Plaques. La 4e édition de cette opération a eu lieu en février dernier dans les Vosges, en Savoie, Haute-Savoie et dans les Pyrénées Orientales. L’idée : faire (re)découvrir la montagne aux malades et leur prouver que même avec une sclérose en plaques, on peut skier. « Ça apporte beaucoup aux patients, a conclu Sandrine Dumas. Ils se rendent compte de tout ce qui est encore possible de faire. C’est une façon de rompre leur isolement. Et ça donne aussi du sens à ce que nous faisons dans l’industrie pharmaceutique. »